Marina Ho

Qui est Marina Ho ?

Marina Ho, ancienne mannequin devenue peintre. Son atelier est à Belleville, à quelques pas pho et des bo-buns qui lui rappellent ses origines vietnamiennes.

Marina Ho habite dans un souplex dont elle a besoin pour se protéger du monde. Le rez-de-chaussée est entièrement aménagé pour s’adonner à sa passion : la peinture. Elle s’habille toujours en noir. Elle adore la musique classique ou Sigur Ros. Marina aime les grands peintres, les films qui vous prennent aux tripes, les tableaux aux couleurs chaudes. Même si cet ensemble peut sembler très sombre au premier regard, je la trouve envoûtante et touchante. Elle a cette voix grave qui vous apaise, et chacun des mots qu’elle utilise n’est pas choisi au hasard. Dans une autre vie elle aurait pu être conteuse. Certes, elle est belle, mais sa beauté est d’une fragilité charmante. Sa beauté traduit à la fois une femme forte, et une petite fille qu’un rien pourrait abîmer. Voilà en quelques sortes les raisons qui m’ont données envie d’écrire son portrait.

La première fois que j’ai vu Marina Ho, elle ne s’en rappelle certainement pas, je travaillais avec Laura, sa sœur comédienne et mannequin. Ce jour-là, Marina était dans le même studio photo, et elle était venue dire bonjour à sa sœur. Etant donné l’excitation de celle-ci, j’ai de suite compris qu’il y avait quelque chose de fort entre les 2. Une fois que je l’ai aperçue à l’entrée du plateau, j’ai remarqué son charisme, et le regard attendrissant qu’elle portait sur sa petite sœur.

C’est seulement quelques années plus tard que j’ai eu l’occasion de faire sa connaissance, sur le tournage du film Le Capital de Costa Gavras. Pour la petite anecdote, on tournait dans la salle des sculptures françaises du Louvre, qui est d’une beauté inouïe, et étant historienne, cela reste un des plus beaux souvenirs que mon métier m’a offerte. Evidemment, un tournage c’est toujours très long, on a donc eu le temps de discuter. Aimant le même genre de films, on a pu parler cinéma. Ce jour-là, j’avais déjà pu entrevoir sa fragilité.

De toutes les personnes que j’ai pu interviewées, Marina Ho est la seule qui m’a dit « tu me feras lire d’abord, hein ? ». Mal à l’aise que l’on parle d’elle, ou inquiète que je déforme ses propos, en fait je crois que c’est un peu des deux. De toute façon, je n’écris pas ces articles pour retranscrire mots pour mots ce que les artistes me disent, mais pour parler de ce qui me touche chez eux. En ce qui concerne sa requête, j’avais juste envie de lui sourire et de lui dire « ne t’inquiètes pas, tout ira bien ».

Bon, revenons sur le parcours de Marina Ho. Marina est une peintre de naissance. Elle a ça dans l’âme, et en parle avec passion. C’est son père, architecte, qui lui transmet l’amour des arts plastiques. Elle grandit avec un crayon dans les mains. Enfant, Marina dessine tout le temps, sans arrêt, pendant la récréation ou dès qu’elle est chez elle. Elle se ferme déjà au monde extérieur pour retranscrire le sien sur le papier. Elle dessine des girafes, des dragons à trois têtes. Marina crée une B.D. où le héros est un crayon qui n’a donc pas de jambes et peut se déplacer très vite.

Mais à l’âge de douze ans la réalité de la vie la rattrape : le divorce de ses parents et la perte de ses illusions. Elle met son crayon et ses dessins dans une boite, qu’elle ne touchera plus jusqu’à ses 28 ans. Pendant toutes ces années, les crayons ne lui servent plus qu’à remplir des chèques. Marina se sent comme morte car privée de son moyen d’expression. Elle vit avec son père, puis à 17 ans elle part de la maison avec rien en poche. Elle cumule les petits boulots et devient mannequin. C’est un moyen facile de gagner sa vie et d’être indépendante. Puis c’est un métier relationnel, ça lui apprend donc à s’exprimer avec les autres.

La prestation de Bjork dans Dancer in the Dark de Lars Von Trier est une révélation pour elle : elle aime les personnages écorchés. Elle s’inscrit à des cours de théâtre avec le projet de devenir comédienne car jouer est un moyen de fuir la réalité. Elle choisit les cours Florent qui finalement ne lui correspondent pas, c’est beaucoup trop formel. Pour sa présentation de fin d’année, elle choisit d’écrire un parricide, ce qui choque. Elle se sent comme un ovni, incomprise, et puis son physique lui joue défaut. On la classe systématiquement dans les rôles de jolies filles alors que ce n’est pas ce qui l’intéresse.

Le hasard de la vie amène Marina Ho à faire une rencontre à l’âge de 28 ans qui va lui ouvrir les yeux. Elle prend confiance en elle. C’est comme une 2ème naissance. L’enfant en elle renaît. Elle ouvre sa boite et reprend son crayon. Elle redécouvre ses anciens dessins où elle lit des détails significatifs qui lui font prendre conscience de certaines choses, comme des portes fermées ou des clés laissées par terre. Le dessin c’est un peu comme de l’écriture automatique.

Pendant deux ans, elle apprend à apprivoiser le crayon. Puis elle en arrive à la peinture, à l’huile évidemment, car c’est plus noble, plus sensuel, mais plus technique aussi. Marina aurait adoré être étudiante aux Beaux-arts avec sa pochette sous le bras, mais c’est trop tard. Elle apprend aussi à être patiente, à cause du temps de séchage qui peut être très long. Elle prend des cours avec plusieurs professeurs, qui s’avèrent décevants car trop formels. Marina dit d’eux que ce sont des tricheurs qui se contentent de calquer sans forcément savoir dessiner. Selon elle, la technique sert à apporter de la justesse, à aiguiser son point de vue. Mais, la peinture doit être une émotion spontanée et la technique peut freiner cet élan parfois. La technique et la spontanéité doivent danser ensemble, mais ne jamais se substituer. Elle ne se satisfait que de l’enseignement apporté par David Boulanger, peintre de profession, qui lui offre un autre regard que celui des professeurs trop formatés. Et à 30 ans, Marina fait sa première expo.

Marina Ho est une amoureuse des émotions et de l’instant. Son travail de peintre n’est pas du divertissement, ce n’est que du personnel. C’est parler de son enfance, de son expérience. Elle puise beaucoup son inspiration dans le cinéma, dans les œuvres en noir et blanc. Parmi ses références c’est sans surprise qu’elle cite Haneke, Kurosawa, Vinterberg, Carax ou Dolan.

Marina a peint tous ses amants, et les gens qui l’ont touchée, même sa grand-mère vietnamienne qu’elle n’a pas connue mais qui est un symbole pour elle. Mais elle n’a jamais réussi à peindre sa sœur, elle l’aime trop et craint de ne pas être peindre à la hauteur de son amour. Elle peint ce qu’elle trouve beau. Elle est fascinée par les chaussures abandonnées. Il ne se passe pas une journée sans qu’elle n’en voie dans la rue, bien positionnées, à deux. Elle se demande comment elles sont arrivées là, qui les a laissées là pour repartir pieds-nus. Les chaussures représentent le vécu, le temps, c’est le voyage qu’un individu a parcouru. D’ailleurs elle est complètement fan des Souliers de Van Gogh.

Marina Ho adore aussi les gens atypiques ou les marginaux qu’elle croise dans la rue puis qu’elle va s’amuser à peindre. Elle adorerait avoir un modèle qui pose pour elle, mais elle n’osera jamais le demander à qui que ce soit. Ainsi elle n’est tributaire de personne. A défaut d’un être vivant, elle se sert de ses dessins comme support, ou de photos d’elle-même, sauf lorsqu’elle réalise des peintures spontanées. Jusque là, son travail était surtout porté sur le portrait, mais progressivement, elle commence à peindre des paysages, car finalement, c’est l’environnement dans lequel on évolue qui influe sur ce que nous sommes.

Parfois elle ne peint rien pendant des semaines, parce qu’elle a besoin de mûrir des choses. L’artiste en elle est en gestation. Cela la rend malheureuse, mais c’est nécessaire. Pendant ce temps, elle va s’entraîner à dessiner, ou elle va se gaver de films, et revenir avec un panel d’émotions à peindre… ou avec l’émotion de reprendre ses pinceaux peut-être.

Quand je lui demande c’est quoi son quotidien, c’est sans hésiter qu’elle me répond « le tourment ». Cela peut sembler très pessimiste, mais c’est tout le contraire ! Le vrai problème c’est le temps qu’elle aimerait figer, et c’est pour cela qu’elle fige des instants et des mouvements en peinture. Marina a du mal avec la réalité du temps qui court malgré elle. Elle est très fâchée avec la mort et ne comprend pas pourquoi  on a inventé cette chose là. Elle aime tellement la vie qu’elle ne veut pas partir, et il n’y a que quand elle peint qu’elle n’y pense pas et arrive à lâcher prise.

Marina Ho préfère la lumière d’une bougie dans la pénombre à celle du plein soleil car celle de la bougie est une beauté qui émane dans quelque chose de sombre. C’est la lumière dans les ténèbres qui symbolise l’espoir finalement. C’est pour cela qu’en peinture elle tente de figer l’instant qui est nécessairement une émotion,  et donc un moment de vie et d’espoir. Marina me dit même que si elle n’aimait plus l’être humain, elle ne serait plus de se monde. C’est une humaniste à sa façon, avec des pinceaux.

Pour voir son travail :

http://marinaho.com/

https://www.facebook.com/Ho-marina-196098940547561/

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